Coriolis, la Druidesse Tauren

Chapitre 1 :

Assise au bord d'un des Pitons du Tonnerre, la jeune Tauren ressasse son passé, brasse ses souvenirs. N'oublie jamais qui tu es. lui disait son mentor. Comment l'oublier ? Coriolis, le vent du changement, la force des tempêtes. C'était en ces termes que ses parents l'appelaient alors qu'elle n'était qu'enfant.
Une caresse sur sa joue, la main chaude de son père sur ses pommettes rafraîchies par le vent constant des Pitons...

Son regard se fit plus dur. L'examen est proche. Une bourrasque emporta quelques effluves des plaines à ses naseaux, qui se dilatèrent instinctivement, captant les plaisirs même de la Nature. Son esprit vibra, en résonance avec ses instincts druidiques.
L'odeur de la crinière de sa mère, la sensation de souffle humide et puissant
sur sa tête lorsqu'elle l'enlaçait tendrement, son regard maternel...

Coriolis se mit debout et prit une grande inspiration. Sur le bord du dénivelé abrupte et mortellement dangereux, elle écarta les bras, offrant plus de prise avec les vents turbulents. Ses yeux se fermèrent.
Le rire de ses amis, la fierté dans le regard de son Maître à chaque
épreuve réussie, la reconnaissance des Taurens aidés tout au cours de
l'apprentissage...

Elle rouvrit ses yeux, plus déterminée que jamais, se retourna et s'en fut au plus profond du village. Le Maître attend.

Cette nuit, la métamorphose féline sera mienne.

Chapitre 2 :

Les vapeurs du mélange s'élevaient tel des tentacules menaçants, ouvrant l'esprit de la jeune Tauren au delà de ce que la méditation permettait habituellement.

Pour choisir, il te faut connaître.
N'oublie jamais qui tu es.

Elle entonnait maintenant cette litanie, ouvrant ses yeux. Les volutes de la drogue apparaissaient, brouillant le monde. Elle inspira profondément, se sentant se désincarner dans l'opération, son corps flottant, la fumée l'emportait, et c'est alors qu'elle vit la voie. Elle ouvrit ses yeux, encore une fois, autrement. L'iris de ses yeux était extrêmement dilaté, ses pupilles acérées, et elle vit.
Un battement de cœur assourdissant, le frottement continu de ses poils qui se heurtaient dans chacun de ses mouvements, la puissance d'Azeroth qui lui liait les sabots au sol...

Comment décrire ce qu'elle voyait ? Elle pouvait voir ce que l'oreille perçoit, entendre ce que la main peut sentir, toucher le nectar d'une grenade, goûter les couleurs, les senteurs musquées de la forêt. Elle était là, partout, nulle part à la fois. Sa conscience se mêlait à chacune des choses sur laquelle elle pointait ses sens, vivant quelques secondes qui durent des milliers d'années dans la pierre, sentir le vent et les courants ascendants au creux de l'écorce des arbres.
La chair qui se durcit telle de la pierre, les longues méditations accompagnées par le Maître Druidique afin de frôler le sens des éclairs, de reproduire leur puissance, tant de travail, de dur labeur...

Elle pouvait aller bien plus loin que tout ce qu'elle avait vécu auparavant. Tout ces sorts étaient un prélude à cette vérité, une préparation pour ne pas se noyer, éclater sous la pression de tant de sensations. Elle comprenait mieux maintenant la fureur du Maître lorsqu'elle avait remis en doute son apprentissage. Mais à toute chose, il faut des bases, des fondements, elle comprenait désormais.

Cependant, il y avait des tâches sombres. Sombres comme le néant. Les êtres plus complexes, les êtres vivants et doués d'une liberté d'action et de pensées individuelles. Les formes évoluées de vie simples étaient presque perceptibles, mais Coriolis se concentra sur la quête qui lui avait été donnée : Le Félin.
L'odeur des félins vus dans leur environnement propre, la puissance de leur corps, la profondeur de leur regard lorsqu'elle avait maintes fois tenté de les calmer, de repousser leur fureur, leur appétit...

Son attention se porta sur plusieurs ces bêtes mais une l'intrigua au plus haut point. Celle ci semblait la voir, affrontait son regard, comme s'ils se cherchaient mutuellement. C'est alors que la violence déchira ce qui semblait être sa chair, le regard du fauve meurtrissait sa conscience, dévorait ses sens, engloutissait sa volonté. Je n'ai nulle crainte de la nature. Je suis une partie d'elle et elle est un tout. Je viens à toi. Elle se laissa alors dévorer vivante, passant outre la souffrance atroce d'un corps mutilé et pénétrant l'animal. Leur esprit se mélangea, comme du sang dans une mare qui se noie dans l'eau, ils se mêlèrent et ne firent vite plus qu'un.
Le bruit des proies qui défilent, la faim qui creuse l'estomac douloureux, les griffes plantées dans le sol. Mes frères et sœurs de portée, les combats de pouvoir, la survie du plus fort. Je tuerai encore, j'ai soif de sang.

Coriolis n'avait plus rien d'humaine. Le Maître des Druides et ses confrères maintenaient l'animal sauvage en lequel elle s'était muée. C'était aisé pour eux, cependant le Maître avait peur. Lutte Coriolis ! Ne laisse pas la bête devenir toi. N'oublie jamais qui tu es.

Ce quelques mots allumèrent une lueur dans la conscience de la bête.
Les enfants à qui je montrais quelques tours, mon peuple et mon devoir envers eux.
Les crocs qui s'enfoncent dans la chair tendre des gazelles, le goût cuivré du sang coulant le longs de mes babines.
La chaleur de l'amour que j'ai porté à cet idiot de chasseur, la poésie d'un couché de soleil...
La peur des Choses, la traque qu'ils nous donnent parfois...
La beauté d'un brin d'herbe, des choses simples, d'un regard animal...
Le regard apaisant d'une Chose, l'impression qu'elle ne voulait rien de mauvais.
L'osmose lorsque les regards se touchent, lorsque l'esprit se mêle, lorsque la Vie prend le dessus.
Je ne voulais de mal à personne, je veux juste survivre.
Vis.

Les cornes sur le front de la bête se rétractèrent lentement, tandis que la Druidesse se souvenait peu à peu de qui elle était, de l'importance de toute vie, de la psychologie féline et de sa forme la plus pure. La Nature est en moi. Depuis toujours, j'ai un fauve au fond de mon corps. se dit-elle. Il attendait d'être reconnu, d'être comprit, d'être accepté. Il aurait été tellement simple de rester bête, tellement tentant. Mais elle s'était souvenue, mère Nature ne l'a pas faite félin parce qu'il ne doit pas en être ainsi.


Elle ouvrit les yeux, son corps était vide de toute énergie, nue. Je suis fier de toi. murmura le Maître tandis qu'il posait délicatement la Tauren sur un lit du temple. Fier de toi.


Elle dormit alors du sommeil du juste pendant deux jours consécutifs.