Le Voyageur

Prologue

Les Clairières de Tirisfal étaient plongées dans la nuit. La ville réprouvée de Brill était calme, seuls quelques Nécrotraqueurs troublaient le silence de leur patrouille. Une ombre se glissait pourtant dans la nuit... Un réprouvé se dirigeait vers la Taverne des Pendus. Il portait une armure d'acier noir, la tête recouverte d'un casque derrière lequel brillaient ses yeux bleutés. Il frappa brutalement à la porte de l'auberge. Un mort-vivant lui ouvrit, visiblement un garde. Ce dernier s'écarta, mais conserva un air soupçonneux devant le Chevalier de la Mort.
« Bienvenue à vous dans notre établissement. »
Le réprouvé en armure noire l'ignora et alla vers le centre la salle commune. Voyant le foyer de la cheminée, il s'installa sur une chaise proche. Une serveuse arriva rapidement.
« Que puis-je pour vous, monsieur ?
- Je connais cet établissement de réputation... Je suis sur que j'y trouverai ce que j'y recherche, n'est-ce pas ?
- Tout dépend de ce que vous recherchez, répondit la réprouvée, l'air troublé.
- Il doit bien y avoir, quelque part ici, une Ombre. J'ai besoin de les contacter. Des comptes à régler... avec le passé.
- Je ne vois pas de quoi vous parlez, monsieur.
- Si, petite sotte, tu le sais très bien. (Il éleva la voix) Si une Ombre est présente, alors, celle-ci connaît déjà son avenir proche n'est-ce pas ? (Il éclata de rire) Apporte-moi quelque chose de fort, de la réserve de Sombrelune, si vous en avez... Et de quoi écrire, j'ai une missive à envoyer...
- Bien, monsieur, dit la serveuse, particulièrement mal à l'aise.
- Gentille petite, repris le mort-vivant, moqueur. »
Elle revint et déposa avec empressement la commande et quelques feuilles de papier accompagnées d'une plume et d'un encrier. Elle s'en alla sans même demander de paiement.

Le réprouvé enleva ses gantelets, laissant apparaître ses mains décharnées. Sans toucher à son verre, il commença à écrire sur le papier jauni.

« A Brill, le treizième jour de la douzième lune.
Moi, dit le Voyageur, me présente à vous. Je ne serai peut-être plus ici lorsque vous lirez ces mots. Mais une chose est sûre, vous me reverrez. Je ne sais pas qui lira ces lignes, mais je sais qu'elles arriveront à la bonne personne.
Je me nomme Funestevar. Un simple guerrier. Nous avons le passé à régler, l'avenir à déterminer, le présent à affronter. Alors, légionnaire, ne te souviens-tu pas ? »

De l'autre coté de la salle commune, un troll semblait très absorbé par sa chope de bière. Pourtant, il observait le nouveau venu, discrètement, les yeux emplis de malice.
« Alors, Ombre dans cette pièce ? Mon message est écrit ! »
Le troll se leva, laissant apparaître les couleurs de son tabard : celles de la Légion des Ombres. Il était vêtu de mailles, partait un bouclier dans le dos et une masse à la ceinture. Autour de lui crépitait une aura électrique. Il alla se poster devant Funestevar.
« Alows ! Tu che'ches l'ombwe mec ? »
Le réprouvé regarda le troll avec dégoût.
« Je ne m'attendais pas à ça. Alors, chaman, tu vas jouer au facteur, hein ? Tiens, prend. »
Le troll s'empara du papier et le mis dans sa poche, sans le lire. Puis, il reprit :
« Hentas n'est pas un simple facteuw, cadavwe ! Mais il est cuwieux..., dit le troll, d'un ton badin.
- Je vois, petite Ombre. Tant mieux pour nous deux alors ?
- Qu'est-ce que veux le mowt ?, repris Hentas, gardant le même ton.
- Grande question. Je veux beaucoup de choses, beaucoup ! Je veux tout d'abord raconter mon histoire, peut-être ainsi certaines Ombres se souviendront de moi. Ensuite... (Il sourit) La suite dépendra d'elles. Ah, aussi, n'essaye pas de me retenir ici ou encore de me tuer, je suis de bonne humeur ce soir.
- Oh, loin cette idée d'Hentas ! Il wega'de, c'est tout. Le mowt appowte de la distwaction.
- Les légionnaires n'ont pas changé... Tu trouveras la suite de ta... distraction demain. Comme je le disais, je vais vous raconter ce qui m'amène en ces lieux. (Il se leva) Sur ces bonnes paroles, je te souhaite de bien mourir, l'ami. »
Hentas recula d'un pas, méfiant. Le crépitement de l'air s'intensifia.
« Ce n'est pas dans mes pwojets, wépwouvé. »

Ignorant le troll, Funestevar se dirigea vers la sortie. Une équipe de Nécrotraqueurs pénétrèrent à ce moment-là dans l'établissement, sans doute appelés par l'aubergiste, soucieux de l'ordre dans sa salle commune. Devant la porte de l'auberge, et sous les yeux des Nécrotraqueurs, il dit :
« Tu es joueur, n'est-ce pas ? Moins bête qu'il y paraît, bien sur. Je te rassure, ce ne sont pas mes projets non plus. Je te l'ai dit, je suis de bonne humeur. » Il se tourna vers les guerriers réprouvés et les salua : « Messieurs. » Il sortit de l'auberge, pour à nouveau se fondre dans la nuit.

Hentas ne tarda pas à sortir à son tour, les Nécrotraqeurs le mettant mal à l'aise, et pour éviter un certain nombre de questions désagréables. Il ne savait pas trop quoi penser de cet étrange réprouvé, mais, comme toujours, il savait qu'il y avait une opportunité à saisir. Il suivit donc son instinct, et décida de rapporter le message aux Légionnaires, sans le lire. « Ne pennons pas trop de risques, quand même. », pensa-t-il, alors qu'il empruntait la route pour le Fort de la Légion.

Funestevar regardait le troll s'éloigner dans l'ombre de la nuit, satisfait.