Dagaz avait passé des heures sur le bateau. Observant chaque vague les unes après les autres quand la terre fut enfin en vue. Doucement elle remonta la voile donna deux ou trois ordres et s'apprêta à amarrer. Le modeste bateau fut ancré au large des paluns, la terre des marais. Dagaz attacha solidement son épée runique sur son dos et se jeta dans l'eau pour rejoindre la terre. La seule ville de la région était tenue par des humains, il valait mieux jouer la carte de la discrétion.
Une fois le pied à terre elle entreprit de marcher vers le nord. Jusque arriver devant un tombeau massif... Infesté de créatures verdâtres, Dagaz prit une bonne gorgée de rhum et comença à se faire un passage vers l'intérieur. Descendant les escaliers encore et encore. Une fois arivée en bas Dagaz observa les lieux. Les cercueils étaient tous biens fermés, bien propres. Pas une seule miette de poussière ne venait troubler l'harmonie de cet endroit. Une torche éclairait l'ensemble de la pièce. Dagaz prit une autre gorgée de rhum et s'assit un instant sur le sol humide prenant une grande inspiration. Elle sorti de son sac un parchemin et une plume de corbeau. Elle entailla son poignet et commença à écrire...
"Tous, autant que nous sommes avons nos fardeaux, nos désespoirs, nos inquiétudes. Ce soir, nous pleurons la mort d'un frère. Je suis Dagaz, mais je fus bien d'autres par le passé. Je suis le vent qui circule entre les montagnes et tout comme ma mère Arja, je suis invisible et impalpable pourtant assez réelle pour tuer.
Ma mère au fil des ans pensait que quand le monde ne tournera plus, nous, nous resterons là et nous le regarderons se mourir jusqu'à la fin et ce serait pour ça que nous aimons autant nous battre. Nous cherchons, au plus profond de nous, sans en avoir réellement conscience quelqu'un capable de nous tuer. Nous avons été maudits par les dieux et notre haine est sans égal.
Et pourtant... Je suis las de ces combats... Que signifie ma vie en ce monde ? Je me souviens du début de mon existence de ma première discussion avec ma mère. Elle disait, qu'un héros était un souvenir. Quelqu'un dont le nom restait gravé dans les mémoires. Arja voulait que je sois l'un d'eux.
Longtemps nous nous sommes détestées, longtemps nous nous sommes battues.
Je suis Dagaz l'enfant de la nuit. Hybride, le sang de mon père et de ma mère se confrontent en moi dans une guerre éternelle. L'on dit de moi que je suis celle qui apportera la rédemption à mes frères. L'on dit de moi que je suis l'élue du premier père. Peut-on lutter contre l'instinct ? Moi, je n'en ai pas eu la force. Mon épée, mon sang et mon âme elle même me poussent à faire des choses que je me pensais incapable de réaliser.
Car ce soir, les premiers vents de ma destinée ont soufflé. Mon heure est arrivée, l'heure du massacre de ma lignée. Par le passé je tua Miroïr mon oncle, puis Leïlana et sa fille émie toutes deux des soeurs de sang. Par la suite mes pas me guidèrent jusque Hagalaz le loup d'Arja, ainsi je libéra sa fureur. Ainsi je pus la tuer de mes propres mains.
Les fantômes du passé me rattrapent et pourtant je ne puis qu'avancer droit devant, encore et encore. Tant qu'il en restera un mon âme pleurera de sa douleur. Mon prochain combat approche. Il n'y aura pas de corps à corps, une part de moi va mourir."
Dagaz plia soigneusement le parchemin et rangea ce qu'elle avait sorti dans son sac. L'on entendit des bruits d'armure lourde dans les escaliers. Elle défit les attaches qui tenaient son arme et la prit entre ses mains fermement. L'épée se mit à briller comme répondant à l'appel de la mort émettant une légère mélodie mélancolique. La flamme maigre de la torche vacillait. L'armure rouge de Dagaz brillait comme le feu des steppes ardentes. Dagaz se mit en garde à l'approche de l'adversaire. Celui ci s'avança à la lumière, rayonnant comme le soleil lui même dans une armure dorée. L'ennemi ce soir était dagaz. Celle qui vécu avant de devenir un "Lame d'Argent". Ses cheveux noirs étaient retenus d'un serre-tête bleu, son armure était celle des paladins à peine sortis de l'école. Son coeur n'aspirait qu'à l'amour, son coeur... ne pleurait pas encore la perte de l'être aimé. Brusquement Dagaz leva son épée, celle-ci frémissante de plaisir, et l'abattit sur la gorge de son adversaire aspirant ainsi son âme. La flamme de la torche s'éteignit, seule dans l'obscurité, le sang coulait sans un bruit. Les cheveux blancs de Dagaz se ralongeaient de quelques centimètres et ses yeux rougis semblaient s'enflammer. Digne et droite, elle rangaina son épée. Ce soir elle avait tué le peu d'humanité qu'il lui restait. Elle ouvrit sa bouteille de rhum et la vida d'une traite avant de retourner à son bâteau.